La diversité des habitats que l’on retrouve au sein du bassin versant du fleuve Saint-Jean favorise la présence d’une grande variété d’espèces de poissons. En effet, on y trouve à la fois :
Notons cependant que le bassin versant du fleuve Saint-Jean ne compte aucune espèce de poissons qui effectue des migration entre les milieux d’eau douce et d’eau salée. Par exemple, le Saumon de l’Atlantique vit la plupart de sa vie dans l’océan mais il remonte les rivières pour se reproduire. On dit qu’il est anadrome. À l’ inverse, l’Anguille d’Amérique vit le plus souvent en eau douce mais se reproduit en mer. On dit qu’elle est catadrome. En effet, les chutes de Grand Sault au Nouveau-Brunswick représentent un obstacle infranchissable pour ces espèces dont une partie du cycle de vie se réalise en eau salée. Cet obstacle à la migration expliquerait l’échec des multiples tentatives , ayant pris fin en 1973, d’ensemencement de saumon de l’Atlantique dans les lacs des Aigles et Grand Squatec ainsi que dans les rivières Cabano et Owen entre autres.
Jusqu’à présent, 6 espèces de poissons indigènes (=le bassin versant du fleuve Saint-Jean fait partie de leur aire de répartition naturelle) d’intérêt ont été répertoriées ainsi que 7 espèces de poissons exotiques (=le bassin versant du fleuve Saint-Jean ne fait pas partie de leur aire de répartition naturelle).
Principales Espèces Indigènes au bassin versant du fleuve Saint-Jean | ||
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Nom français | Nom anglais | Nom latin |
Omble de fontaine | Brook trout (Eastern) | Salvelinus fontinalis |
Grand Corégone | Lake whitefish – normal and dwarf | Coregonus clupeaformis |
Touladi | Lake trout / Togue (US) | Salvelinus namaycush |
Lotte | Burbot / Cusk | Lota lots |
Barbotte brune | Brown bullhead | Ictalurus nebulosus |
Chabot visqueux | Slimmy sculpin | Cottus cognatus |
Principales espèces exotiques mais présentes dans le bassin versant du fleuve Saint-Jean | ||
Nom français | Nom anglais | Nom latin |
Maskinongé | Muskellunge | Esox masquinongy |
Ouananiche | Landlocked Atlantic salmon | Salmo salar (landlock) |
Éperlan-arc-en-ciel | Rainbow smelt | Osmerus mordax |
Achigan à petite bouche | Smallmouth bass | Micropterus dolomieu |
Crapet rouge | Redbreast sunfish | Lepomis auritus |
Grand brochet | Northern pike | Esox lucius |
Carassin commun | Crucian carp – Goldfish | Carassius carassius |
Dans le cadre d’un projet réalisé grâce au financement du Ministère de Pêches et Océans Canada, des fiches informatives ont été réalisées pour ces 13 espèces de poissons. Ces dernières rassemblent :
Grâce à la compilation des informations existantes et une enquête réalisée auprès d’experts et spécialistes des populations de poissons locaux, il nous a été possible de réaliser une carte de distribution pour 13 espèces de poissons à l’échelle du bassin versant du fleuve Saint-jean. La réalisation de ces cartes a mis en évidence la progression de certaines espèces exotiques au niveau de certains plans d’eau où elles étaient inconnues. Elle a également contribué à identifier des zones refuges potentielles, dans lesquelles certaines espèces indigènes sont encore à l’abri grâce, notamment, à des obstacles naturels et artificiels que des espèces envahissantes comme l’achigan à petite bouche et le maskinongé ne peuvent franchir.
De nombreuses recherches ont prouvé que certaines espèces exotiques de poissons, le maskinongé et l’achigan à petite bouche, par exemple, soumettent le touladi à une compétition interspécifique si forte au point de compromettre sa survie dans son habitat naturel, et de menacer ainsi l’intégrité faunique de certains plans d’eau. Par ailleurs, la disparition ou simplement la diminution des populations de certaines espèces, qui constituent un soutien important à l’industrie de la pêche sportive, pourrait nuire à ce secteur socio-économique[1]. Aussi, certaines espèces indigènes sont chargées de valeurs culturelles auprès des populations autochtones pour lesquelles, elles représentent une part symbolique de patrimoine.
[1] ‘’2 milliards $ en retombées directes, 7 milliards $ en retombées indirectes, que cela génère bon nombre d’emplois, souvent en région, il serait dommage de prendre des décisions non fondées scientifiquement’’.
(https://www.lesoleil.com/actualite/science/louis-bernatchez-la-passion-des-poissons-et-de-leur-adn-bf48f0fc9b2ec2fc9ed2074aefbf0264)
Tout organisme vivant laisse des traces d’ADN dans son environnement. La méthode de l’ADNe consiste donc à déterminer si une espèce est présente ou non dans un milieu en regardant si elle y a laissé une quantité d’ADN significative. Dans notre cas, il s’agissait de prélever des échantillons d’eau et de regarder si l’ADN des espèces de poissons recherché y été présent.
La progression des espèces exotiques au sein du bassin versant du fleuve St-Jean soulève l’inquiétude concernant l’état de bouleversement qu’elles peuvent avoir sur la diversité des communautés de poissons indigènes. Menée dans le cadre d’une collaboration avec le laboratoire de Dr Louis Bernatchez, de la Chaire de recherche du Canada en génomique et conservation des ressources aquatiques de l’université de Laval, l’étude de l’ADN environnemental (ADNe) a permis de fournir un portrait de la situation des salmonidés indigènes en passe d’être remplacés par des espèces exotiques, dont la ouananiche, l’éperlan arc-en-ciel, l’achigan à petite bouche et le maskinongé. Pour des raisons de faisabilité, cette étude s’est concentrée, dans un premier temps, dans le sous bassin versant de la rivière St-François (lacs St-François, Beau, Glazier et rivières St-François et Bleue).
Il est important de noté que la méthode de l’ADNe a certaines limites. En effet, il est possible qu’une espèce ne soit pas détectée par la présente méthode si son abondance est très faible ou encore à une trop grande distance des sites d’échantillonnage. Le grand corégone a été détecté dans aucun des sites d’échantillonnage. Le laboratoire ADNe de l’Université Laval a émis l’hypothèse suivante afin d’expliquer l’absence complète de données du Grand Corégone dans les 8 stations d’échantillonnage. Nous savons que cette région a été colonisée par une lignée glaciaire de corégone (la lignée Acadienne) qui diffère de celle sur laquelle les amorces ont été développées (la lignée du Mississipi). A priori, les amorces devraient bien fonctionner pour différentes lignées au sein d’une même espèce, mais il n’est pas impossible qu’une mutation au sein de la lignée Acadienne rende les amorces non fonctionnelles pour les individus provenant de cette lignée. Il est également surprenant qu’il n’y ait aucune présence de maskinongé dans le lac Pohénégamook. Afin d’approfondir cette étude, il sera intéressant de la réaliser sur une échelle plus petite, soit de réaliser plusieurs stations sur une même étendue d’eau afin d’obtenir un portrait efficient.
Ce projet a pu être réalisé grâce au financement de Pêches et Océans Canada