Recul de l’intégrité faunique

Définition de la problématique

La diversité faunique est l’une des plus grandes richesses de la planète mais aussi l’une des moins reconnues. Nous nous concentrerons ici sur la biodiversité faunique liée aux milieux aquatiques, c’est-à-dire les poissons (ichtyofaune) et les reptiles et amphibiens (herpétofaune). Étant donné l’importance de la faune dans la régulation des écosystèmes mais également dans notre économie régionale (pêche, récréotourisme), il est indispensable de maintenir des populations fauniques saines et équilibrées. Or, certaines populations de salmonidés seraient fortement réduites dans plusieurs plans d’eau, si elles n’étaient pas régulièrement ensemencées. La qualité d’habitat notamment pour l’omble de fontaine semble avoir reculée dans plusieurs cours d’eau. L’herpétofaune, représentée dans le bassin versant par 15 espèces sur les 38 que compte le Québec, a également vu son potentiel d’habitat reculer.
Qu’il s’agisse de la surpêche, du braconnage, ou encore de l’exploitation des milieux naturels, les activités humaines sont malheureusement l’une des causes principales de l’état précaire de certaines populations fauniques.

Déséquilibre des populations de touladi dans certains lacs

La truite grise (Fiche descriptive), aussi appelé touladi, est l’espèce la plus documentée du bassin versant. 9 des 16 lacs à touladi du Bas-Saint-Laurent se situent dans le bassin versant du fleuve Saint-Jean. Il s’agit des lacs :

  • Ango,
  • Des Échos,
  • Grand Squatec,
  • Témiscouata,
  • Méruimticook (Jerry),
  • Long,
  • Beau,
  • Pohénégamook,
  • de l’Est

Cependant, on note aussi la présence de touladis dans le lac Baker et, selon la tradition orale, dans le lac Biencourt. Cette présence importante fait du bassin versant du fleuve Saint-Jean, celui où l’on retrouve le plus de lacs à touladi de tous ceux situés au sud du Saint-Laurent. Aussi, la population de touladis du lac Témiscouata compte parmi les plus suivies au Québec par le MFFP. Le lac Témiscouata fait partie d’un réseau restreint de lacs témoins qui bénéficie d’une caractérisation tous les 5 ans. La population de touladi de ce lac connaît d’ailleurs un des meilleurs taux de croissance de la province.

Aucun lac du bassin versant du fleuve Saint-Jean situé dans la région de Chaudière-Appalaches ne répond à la niche écologique du touladi.


Malgré des ensemencements réguliers depuis 1979, la surexploitation demeure un problème pour 5 des 9 lacs à touladi. Il s’agit des lacs :

  • Pohénégamook,
  • Beau,
  • Long,
  • Méruimticook 
  • Grand Squatec

État des populations de touladi du bassin versant du fleuve Saint-Jean et des lacs qu’elles habitent (source: MDDEFP BSL et FAPAQ 2002)G
Lac Année État de la population État de l’habitat
Pohénégamook 1989 surexploitation Stressé
1998 surexploitation Stressé
2003 surexploitation Stressé
2008 surexploitation Santé
Beau 2003 surexploitation Santé
2011 surexploitation Santé
Long 1999 surexploitation Santé
2011 surexploitation Stressé
Mériumticook (Jerry) 1991 surexploitation Santé
1999 surexploitation Santé
2010 surexploitation Santé
Grand Squatec 1990 surexploitation Santé
2003 surexploitation Santé
Témiscouata 1990 surexploitation Santé
1995 Équilibre Santé
2001 Équilibre
2008 Équilibre Santé
de l’Est Forte exploitation
Ango 2012 Surexploitation Stressé
des Échos Forte exploitation

D’après les résultats ci-dessus, les lacs à touladi du bassin versant du fleuve Saint-Jean offrent de bons habitats pour cette espèce de poisson. Ces conditions sont généralement stables depuis les années 1990 sauf pour les lac Pohénégamook et Long. Elles semblent s’être améliorées dans le lac Pohénégamook entre 2003 et 2008 et dégradées dans le lac Long entre 1999 et 2011.

Dégradation de l’habitat au lac Long

Cette situation pourrait être attribuable, au moins en partie, aux précipitations extrêmes du 2 août 2008.
Ce déluge qui a provoqué des ruptures en série de barrages de castors et des torrents de boue a occasionné un enrichissement important du lac en sédiments et en matières nutritives favorisant la croissance de végétation aquatique. Lors de sa décomposition, cette végétation entraine une consommation de l’oxygène présent dans l’eau. Or, pour être considéré comme un bon habitat pour le touladi, un lac doit avoir une bonne concentration d’oxygène dans le fond de l’eau. Une analyse sédimentaire et végétale du lac Long permettrait de vérifier cette hypothèse. De plus, la principale fosse à touladi était située à 1 ou 2 km de l’embouchure du ruisseau des Cèdres (dans lequel les barrages de castor ont cédés). Il est donc fort probable qu’aujourd’hui cette fosse soit remplie de sédiments à la suite des inondations de 2008. Les témoignages rapportent qu’avant il y avait beaucoup de touladis dans le lac Long mais qu’il y a aussi eu beaucoup de braconnage dans le passé.

 

L’intégrité génétique des populations de touladi

Les ensemencements de touladi dans le bassin versant sont pratiqués à partir de reproducteurs issus du lac Mitis au Bas-St-Laurent, dans la MRC de la Mitis. Puisque chaque lac possède une génétique qui lui est propre, résultat de quelques milliers d’années d’évolution en isolement, un ensemencement excessif peut entraîner une perte de l’intégrité génétique des populations indigènes, ce qui représente une perte de diversité biologique.
C’est effectivement le cas dans la plupart des lacs ensemencés du bassin versant du fleuve Saint-Jean. En effet, le MFFP considère que la génétique est irrémédiablement perturbée à partir du moment où plus de 15 ensemencements ont été réalisés ou lorsque le taux d’ensemencement dépassent 74 touladis/ha (MDDEFP et MRN 2013). À ce chapitre, seule la génétique du lac Ango est demeurée intègre et celles des lacs des Échos et Long seraient probablement récupérables. Pour les autres lacs, la récupération est improbable ou impossible.

Intégrité génétique des populations de touladi du bassin versant du fleuve Saint-Jean

Lac Année dernier ensemencement Nombre d’ensemencements Nombre total d’individus ensemencés Taux d’ensemencement (touladis/ha)
de l’Est 2011 12 89 892 121
Pohénégamook 2012 15 144 014 161
Témiscouata 2012 18 374 399 54
Beau 2012 13 98 314 127
Mériumticook (Jerry) 2012 12 65 808 112
Grand Squatec 2011 12 151 641 119
Long* 2012 11 45 029 45
des Échos 1998 5 4 744 61
Ango 0 0 0
         
Légende Intègre Récupérable Récupération improbable Irrécupérable
* des analyses génétiques doivent être réalisées afin de valider ce résultat

Lac Pohénégamook

Lauzon (2006) constatait que les multiples campagnes d’ensemencements au lac Pohénégamook, n’avaient pas permis d’atteindre les résultats escomptés car certains touladis y demeuraient petits et maigres. Les surensemencements de touladis, ouananiches et ombles de fontaine pourraient avoir occasionné une compétition intra et interspécifique excessive. De plus, les communautés de poissons fourrages (petits poissons dont se nourrissent les plus gros) y auraient connu un net recul.

Depuis 2006, l’état de l’habitat du touladi semble s’être amélioré et un équilibre entre les populations de touladis, d’ouananiches et d’éperlan-arc-en-ciel se serait créé. Les touladis pêchés ces dernières années sont plus gros qu’avant selon les témoignages reçus. L’éperlan arc-en-ciel servirait de fourrage au touladi.

Lac Témiscouata

Selon Sébastien Ross, biologiste au MFFP-01. (Communication personnelle) la population de touladis du lac Témiscouata ne pourrait se maintenir à un état d’équilibre sans ensemencements. D’ailleurs, des ensemencements y ont lieu plus ou moins aux deux ans, depuis 1977. Depuis 2003, ces ensemencements bisannuels sont de l’ordre de 10 000 à 12 000 alevins (Ross 2012).

Il apparaît difficile d’expliquer ce qui est à l’origine de cette difficulté à atteindre un niveau d’équilibre dans la population de Touladis du lac Témiscouata, les proies y étant abondantes. Divers facteurs peuvent y contribuer telle la pression de pêche dont le niveau n’a pas été évalué, ou d’autres causes non-documentées.

Une réflexion profonde doit être menée lac par lac en ce qui concerne les ensemencements car les impacts biologiques peuvent être nombreux. Le recul de l’intégrité génétique des populations, la surabondance de prédateurs par rapport aux proies ou encore la perte de diversité biologique en sont des exemples. Il s’agit de savoir si l’on souhaite considérer les lacs comme de simples bassins de pêche visant à ne servir que les intérêts halieutiques ou comme des écosystèmes complexes, en équilibre, productifs qui tendent vers un retour à leurs conditions d’origine.

 

Impact des changements climatiques

Selon Pêches et Océans Canada, les changements climatiques et le réchauffement de l’eau qui en découle pourraient avoir des répercussions sur les populations de touladis du Canada. Celles qui vivent dans les lacs moins profonds sont les plus menacées puisque la couche supérieure d’eau chaude (épilimnion) qui s’épaissit repousse la couche d’eau froide plus profonde (hypolimnion) dans laquelle le touladi trouve les conditions requises à son habitat. Celle-ci pourrait s’amincir et même disparaître des lacs peu profonds. Parallèlement, si les niveaux d’oxygène de la couche inférieure diminuent à cause d’un processus d’eutrophisation accélérée, l’habitat du touladi se rétrécit à partir du haut et du bas tel une presse! Comme le métalimnion (couche thermique intermédiaire nommée thermocline) des lacs à touladi du bassin versant se situe généralement entre 14 et 17 mètres, les populations de touladis des lacs Long, Ango et des Échos, présentant des profondeurs maximales respectives de 26,5m, 23m et 18m, seraient les plus sensibles à une hausse des températures moyennes.

 

Population d’ombles de fontaine abondante mais à surveiller

L’excellence de sa chair et sa combativité font de l’omble de fontaine, aussi appelée truite mouchetée, l’une des espèces sportives les plus estimées et recherchées. La présence de l’omble de fontaine serait généralisée à l’ensemble du bassin versant du fleuve Saint-Jean. Lorsque l’eau est claire, fraîche et bien oxygénée, l’espèce est généralement au rendez-vous. Voir la fiche descriptive

L’habitat aquatique serait propice à l’omble de fontaine sur le territoire public du Bas-St-Laurent (CRÉBSL et CRRNT 2010) et les populations d’ombles de fontaine seraient stables dans les territoires structurés de cette même région (Banville et Larocque 2007). Lors de la construction du tronçon d’autoroute entre Témiscouata-sur-le-Lac (quartier Cabano) et le Nouveau-Brunswick, le consortium Tecsult-Genivar (2003) observait que l’omble de fontaine était l’espèce la plus abondante dans 10 des 12 cours d’eau échantillonnés. Ces résultats semblent supporter une affirmation de Bélanger (1991), selon laquelle la rivière Madawaska supporterait une population abondante d’ombles de fontaine.

 

Certaines rivières à surveiller

Notons cependant que plusieurs pêcheurs témoignent d’une raréfaction considérable de l’espèce au tournant des années 80-90 dans les rivières Daaquam et Grande Noire. Cette période correspondrait, selon des gens du milieu, à une période de très forte activité forestière liée à des coupes abusives à grande échelle. Une affirmation dans PDRRF-12 (2002) corrobore cette observation puisqu’il stipule que « l’omble de fontaine est sensible aux perturbations et [que] les activités humaines associées à la coupe forestière et à l’agriculture seraient à l’origine de sa raréfaction dans plusieurs secteurs. » En effet, les sédiments fins réduisent rapidement le taux de survie des œufs en incubation ainsi que la quantité d’invertébrés dont l’omble de fontaine se nourrit (PDRRF-12 2002).

La température estivale de certaines rivières peut aussi être un facteur limitant pour l’omble de fontaine. Par exemple, la température de la rivière Daaquam dépasse fréquemment les 22°C en été, température de confort pour l’omble de fontaine, et parfois même les 25°C, température critique pour sa survie (Trencia et Collin 2007).

De plus, l’omble de fontaine tolère mal la compétition avec d’autres espèces telles que le meunier noir, la perchaude et la barbotte brune, toutes des nouvelles venues dans le bassin versant. Le mulet à cornes serait également un compétiteur de l’omble de fontaine (PDRRF-12 2002). La présence de ces espèces dans les lacs et rivières du bassin versant du fleuve Saint-Jean n’a fait l’objet que de rares études.

 

Aménagement de l’habitat de l’omble de fontaine

Dans les années 90, plusieurs cours d’eau ont été caractérisés et aménagés de façon à améliorer l’habitat de l’omble de fontaine, notamment dans la rivière aux Perches où un important projet a été réalisé en 1994. En plus de la Société d’aménagement de la rivière Madawaska et du lac Témiscouata (SARMLT), le principal promoteur de ces projets à caractère faunique était la Forêt modèle du Bas-Saint-Laurent en partenariat avec différentes organisations forestières ou agricoles. Depuis la dissolution de ce promoteur, il ne semble plus y avoir de porteur de dossier actif pour la promotion et la réalisation de projets visant l’amélioration de la productivité de l’habitat pour l’omble de fontaine, en dehors des territoires structurés. Ce constat est d’autant plus regrettable que plusieurs rivières du bassin versant auraient un grand potentiel à développer. Pelletier (1994) cite par exemple la rivière Squatec et PESCA Environnement (2001) recommande l’aval du ruisseau Bernard pour un projet de compensation car le potentiel d’habitat y est excellent.

La connaissance sur le potentiel de production de l’omble de fontaine et la qualité des habitats reste très parcellaire. Le développement de cette connaissance semble avoir connu un important ralentissement lors de la dernière décennie.


Circulation de l’omble de fontaine

Concernant la circulation du poisson, la caractérisation des traverses de cours d’eau réalisée par la MRC de Témiscouata dans des secteurs cibles, a démontré que 91 ponceaux sur les 431 caractérisés, soit 21%, sont infranchissables pour l’omble de fontaine. Il s’agirait essentiellement de vieux ponceaux artisanaux (Martin Bélanger, ingénieur forestier, communication personnelle). Dans la zone du bassin versant situé en Chaudière-Appalaches, le grand nombre de petits barrages sur terre privée peut aussi nuire à la libre circulation du poisson (PDRRF-12 2002).

Dans l’ensemble, les succès de pêche rencontrés actuellement semblent pouvoir satisfaire convenablement les attentes des utilisateurs (Fapaq-01 2002). Cependant, c’est souvent grâce à des ensemencements de soutien à partir d’ombles d’élevage que le potentiel de pêche en lacs a été maintenu au cours des dernières années. Dans la zone du bassin situé au Bas-Saint-Laurent, l’aménagement de l’habitat et le développement de l’accessibilité devraient avoir la priorité pour les lacs Dôle, Aux Castors et Des Cèdres (Fapaq-01, 2002). Des sentiers balisés pourraient également être aménagés le long de certains cours d’eau afin de faciliter l’accès à la ressource. L’amélioration de la qualité de la pêche dans certains lacs publics ainsi que le développement d’accès pour la pêche en rivières et en ruisseaux ont été retenus dans Fapaq-01 (2002) pour stimuler l’intérêt des pêcheurs et les retombées qui y sont reliées.

L’étendue du bassin versant, l’absence de plans de gestion régionaux et la rareté des données font en sorte qu’il est difficile de poser un diagnostic précis sur l’état des populations de l’omble de fontaine. L’avenir de l’espèce dépend du maintien des caractéristiques environnementales qui lui sont favorables, c’est-à-dire une eau fraîche, limpide et bien oxygénée et un habitat hétérogène, constitué d’une alternance de fosses et de rapides, de blocs rocheux, d’abris variés et de zones d’ombrage (PRDIRT-01 2002, PRDIRT-12 2002).

Le pointu, une espèce de corégone ?

En plus des populations de grand corégone (voir fiche descriptive) que l’on retrouve dans la plupart des lacs et rivières d’importance du bassin versant, les lacs Témiscouata et de l’Est hébergent des populations de grand corégone forme naine, aussi appelé « pointu ». Un recueil historique parle aussi de pointus au Grand lac Squatec. Ces populations sont engagées dans un processus de spéciation (processus évolutif menant à la création d’une nouvelle espèce) depuis le retrait du grand lac glaciaire Madawaska il y a près de cinq mille ans. Il s’agit de deux formes distinctes qui cohabitent. Ce processus de spéciation est avancé au point où ces deux formes ne se reproduisent plus entre elles.

Grand Corégone forme normale et forme naine (Ross, 2010)

Chaque automne, le grand corégone forme naine remonte la rivière Touladi pour rejoindre les sites de frais en amont. La pêche au pointu, pratiquée à ce moment de l’année, fait partie des traditions locales entourant le lac Témiscouata. Bien que la localisation des sites de frai soit assez bien documentée, le moment des montaisons et, par conséquent, le succès des captures sont très variables d’une année à l’autre.

Dans le lac Témiscouata, le corégone forme naine est probablement la principale source d’alimentation du touladi, ce qui expliquerait le fort taux de croissance de ce dernier, un des plus élevés au Québec.

Depuis 2011, la population de grand corégone forme naine fait l’objet d’un suivi annuel par les instances du parc national du Lac-Témiscouata. En effet, les frayères se situent dans l’enceinte du parc, ce qui leur confère un important statut de protection. À notre connaissance, la population du lac de l’Est ne jouit pas d’un tel suivi de population malgré les travaux de recherche du docteur Louis Bernatchez qui s’intéresse principalement au processus de spéciation si particulier.

Les populations normales de grand corégone ne semblent pas susciter d’intérêt pour la pêche sportive contrairement aux autres salmonidés, ni être largement utilisées comme fourrage par le touladi dans les lacs Beau et Pohénégamook (Lauzon, 2006). La forme normale de l’espèce, indigène au bassin versant, demeure très peu documentée.

Les actions à mener pour la protection de l’habitat du grand corégone sont les mêmes que pour le touladi. Quant au pointu, il s’agit de poursuivre un suivi rigoureux. Les tendances climatiques actuelles nous portent à croire que ses montaisons devraient tendre à être plus tardives. Nous ne disposons d’aucune connaissances sur les frayères de corégone forme naine du lac de l’Est.

 

Maskinongé. Source: Engbretson, Eric / U.S. Fish and Wildlife Service

Le maskinongé, tigre d’eau douce

Entre 1970 et 1979, 6 250 maskinongés de 7 à 20 cm ont été ensemencés dans le lac Frontière par le ministère des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche (Aquafaune 2004). Le maskinongé a ensuite colonisé vers l’amont, la rivière Noire Nord-Ouest et vers l’aval, une immense partie du bassin versant du fleuve Saint-Jean, principalement dans le Maine et le Nouveau-Brunswick.

Cette espèce étant reconnue comme le plus grand prédateur d’eau douce (voir fiche descriptive), son introduction par le Québec fut mal accueillie dans les «North Maine Woods » par crainte de voir la qualité de pêche à l’omble de fontaine indigène diminuer (Brautigam, 2002). Ces craintes furent appuyées par un déclin important des salmonidés dans les cours inférieurs du bassin versant en entier. L’un des plus imposants spécimens du Maine en termes de poids (31,69 livres), fut pêché dans le sous-bassin versant de la rivière Saint-François, dans le lac Glazier à la frontière du Maine et du Nouveau-Brunswick en 2009. À noter que lac Glazier n’est situé qu’à 7 kms du lac Beau au Québec, où des captures furent recensées, et bénéficie d’une connexion hydrique sans obstacle avec celui-ci!

Des mentions de capture de maskinongé ont été rapportées aux lacs Beau, et de l’Est, notamment en 2011. Plusieurs pêcheurs stipulent qu’il aurait également colonisé les bassins versants des rivières Daaquam et Grande rivière Noire. Les lacs Méruimticook et Baker demeurent vulnérables à une colonisation dû à leur connectivité hydrique apparemment dépourvue d’infranchissables.

Sa prospérité dans un plan d’eau serait directement reliée à la présence d’herbiers adéquats pour sa reproduction. Selon Sébastien Ross, biologiste au MFFP, le lac Pohénégamook, vulnérable à une colonisation par le maskinongé, offre peu d’habitats de reproduction qui lui conviennent et son arrivée probable ne devrait pas faire l’objet de craintes démesurées. Toujours selon M. Ross, il ne devrait pas avoir un impact majeur sur les salmonidés car il ne fréquente pas les mêmes habitats.

Grand prédateur solitaire, le maskinongé tolère bien une eau peu oxygénée et fréquente préférentiellement des eaux relativement calmes ainsi que les herbiers aquatiques où il peut se camoufler et chasser. Pour sa part, l’omble de fontaine affectionne les eaux claires, fraîches et bien oxygénées. Selon Trencia et Collin 2007, sans dire que le maskinongé est sans conséquence sur les salmonidés, il a certainement un impact plus important sur le meunier noir et le ouitouche, abondants au sein du bassin versant du fleuve Saint-Jean. Son menu piscivore se compose notamment de perchaudes, meuniers, cyprins et barbottes. Les écrevisses, grenouilles, souris, rats musqués et plusieurs espèces d’oiseaux peuvent aussi faire partie de ses repas (Bernatchez et Giroux, 2012).

Les autorités fauniques de l’État du Maine considèrent néanmoins qu’il représente une importante menace pour les pêcheries de salmonidés (Brautigam, 2002). Pour sa pêche, il n’y a aucune limite de prise pour le maskinongé dans le Maine, comme dans les régions du Bas-Saint-Laurent et de la Chaudière-Appalaches, au Québec. Selon les gestionnaires du tournoi de pêche au maskinongé de Lac Frontière, peu de pêcheurs pratiquent la remise à l’eau. En 2013, 60 maskinongés ont été pêchés dans le cadre de ce tournoi d’une fin de semaine. Comme la taille moyenne des spécimens tend à diminuer, dans le cadre de ce tournoi (Daniel Charron, Lac-Frontière, communication personnelle), de la sensibilisation et des initiatives de remise à l’eau du maskinongé ont débuté en 2014.

Se pose alors la question : doit-on encourager des pratiques qui favorisent le maintien d’une espèce exotique envahissante? Comme le maskinongé est bien implanté et indélogeable du bassin versant et qu’il fait partie intégrante de l’écosystème du fleuve Saint-Jean, les mesures de contrôle sont-elles vaines? Une réflexion devrait être entreprise entre les autorités fauniques concernées des trois juridictions afin de déterminer quel type de gestion doit être appliqué à l’espèce.


Reptiles et amphibiens

Bien que souvent méconnus et négligés, les reptiles et les amphibiens occupent une place importante dans la chaîne alimentaire. Par exemple, les œufs et les larves des amphibiens servent de nourriture aux poissons et aux oiseaux. De même, les grenouilles et les crapauds vont ingérés d’énormes quantités d’insectes. De plus, les amphibiens sont des indicateurs biologiques de choix concernant la qualité de l’eau car leur peau est perméable à l’eau et sensible à la qualité de cette dernière. Au sein du bassin versant du fleuve Saint-Jean, 15 espèces ont été inventoriées dont une vulnérable, la tortue des bois et une susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable, la grenouille des marais (Société d’histoire naturelle de la vallée du St-Laurent et MRN 1988).

 

La tortue des bois, une espèce vulnérable

La tortue des bois vit principalement dans les cours d’eau à méandres avec substrat de gravier ou de sable. Elle utilise  préférentiellement les aires terrestres sans végétation, telles que les rives sableuses, pour la ponte des œufs. En été elle tend à se réfugier dans les aulnaies situées à moins de 150m d’un cours d’eau. La tortue des bois est donc une espèce animale fortement dépendante de la ressource en eau. Elle est très sensible à la qualité de cette eau, à la dénaturalisation des rives, à la construction de barrages ainsi qu’au bruit causé par les activités récréatives. La capture constitue la principale menace pour la tortue des bois car elle peut valoir entre 500 et 1 000$ sur le marché illégal. Elle a été désignée vulnérable en 1995. Il est important de souligner qu’au Québec, les 9 espèces de tortues sauvages sont protégées en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, qui stipule qu’il est interdit de les chasser, de les capturer, de les garder en captivité ou de les vendre. Le seul endroit où on trouve de la tortue des bois au sein du bassin versant du fleuve Saint-Jean est dans le sud du Témiscouata.

 

Source: Atlas des amphibiens et des reptiles du Québec

Grenouille des marais, susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable

La grenouille des marais est quant à elle associée aux terrains plus montagneux. Elle utilise surtout les forêts à proximité de l’eau et des milieux humides et hiberne dans les étangs de faible profondeur et les ruisseaux. Sa reproduction se déroule entièrement en milieu aquatique. La grenouille des marais est donc également une espèce fortement liée à la ressource en eau. Elle est sensible à l’exploitation, la fragmentation et la perte de superficies boisées ainsi qu’au développement routier, agricole et urbain. Elle est actuellement considérée comme susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable au Québec. Le seul endroit où on la trouve au sein du bassin versant du fleuve Saint-Jean est dans le sous-bassin de la rivière Saint-François.

 

Autres espèces de reptiles et amphibiens

Le bassin versant du fleuve Saint-Jean abrite également d’autres amphibiens, tels que les ouaouarons par exemple. Les ouaouarons, non-indigènes au bassin versant, sont les plus grosses grenouilles d’Amérique du Nord. Ils vivent dans les cours d’eau et les plans d’eau permanents. Bien que couramment répandus à travers le Québec, ils sont sensibles à la capture, principalement pour la science ou la consommation, et à la destruction de leur habitat. À l’heure actuelle, les ouaouarons ont été observés dans les sous-bassins de la rivière Ashberish, de la Saint-François et de la Noire Nord-Ouest.

Les 3 espèces de salamandres observées, maculée, à deux lignes et cendrée, vivent dans les milieux forestiers humides ou proches des cours d’eau et restent dans les mares et les étangs pendant toute la durée de leur stade larvaire. Elles sont surtout sensibles à l’exploitation forestière à travers le drainage et l’assèchement du sol, à l’étalement urbain et à l’exploitation des tourbières. La présence de la salamandre à 4 orteils serait fort probable mais elle n’a pas été vérifiée à l’heure actuelle.