Depuis quatre ans, différentes études ont montré que les touladis du lac Témiscouata utilisaient trois frayères majeures. Cependant, ces frayères ne semblent pas être en bon état à cause d’un colmatage de leur substrat. Idéalement, le substrat d’une frayère doit être assez grossier (ex: gravier) afin de permettre le passage de l’eau et de l’oxygène. Lorsque du matériel fin (ex: périphyton, sable fin…) se dépose dans une frayère, il vient boucher et colmater les espaces existants et empêchent la circulation de l’eau et de l’oxygène. Lorsque les oeufs y sont déposés, leur taux de survie est alors fortement réduit.
Rapports d’études :
Duchesne V, St-Hilaire A, Pelletier AM, Gratton Y, (2019), Rapport d’étude – Le touladi du lac Témiscouata, Québec : Institut national de la recherche scientifique, Centre Eau Terre Environnement ; x+62 pages. (INRS – Centre Eau Terre Environnement, rapport de recherche ; 1893).
Boucher, C. 2019. Revue de littérature critique de l’aménagement de frayères en milieu lacustre pour le
touladi (Salvelinus namaycush). UQAR. 71p.
Ces constations ont menées à l’élaboration d’un projet de restauration d’une des trois principales frayères du lac Témiscouata. L’objectif de restaurer les frayères à touladi est d’assurer un maintien naturel à long terme de cette population tout en étant parfaitement adaptée à son milieu. Une augmentation du recrutement aurait un effet direct sur l’abondance totale de touladis dans le lac Témiscouata.
Afin de minimiser l’impact des travaux d’aménagement sur les rives du lac, ce projet a utilisé une méthode novatrice combinant l’utilisation de camion chargés des roches qui serviront de substrat pour les frayères et la traverse du lac Témiscouata, Le Corégone. Le traversier transportait 3 camions chargés de roches jusqu’à la frayère de Dégelis, reculait jusqu’aux bouées délimitant l’aménagement à réaliser puis chaque camion vidait son chargement. Chaque aller-retour entre le quai du traversier à Notre-Dame-du-Lac et la frayère de Dégelis prenait 3h. Un maximum de 3 voyages par jour était réalisé.
Entre le 11et le 21 septembre 2023, la superficie totale d’habitat du poisson ayant reçu du substrat est de 564,7 m2. Cependant, une superficie de 288,4 m² aurait reçu une épaisseur de substrat égale ou supérieure à 50 cm. En incluant la classe d’épaisseur de 30 à 50 cm, la superficie augmente à 411,7 m2. Pour en savoir plus :
=> Le Rapport final
=> La Présentation synthèse des résultats
Des pêches de suivis seront effectuées par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) du Québec afin de vérifier le succès de ces travaux. Une stratégie de suivi sur 5 ans a été élaborée en partenariat avec l’OBV du fleuve St-Jean et le MELCCFP. En plus de viser à évaluer l’utilisation de la frayère aménagée par le touladi, cette stratégie de suivi a pour objectif de suivre l’évolution de la frayère ainsi que les impacts de la moule zébrée.
Ce projet a été rendu possible grâce à la participation de nombreux partenaires du milieux:
Nombreux sont les pêcheurs, du Bas-Saint-Laurent ou d’ailleurs, qui aiment venir au lac Témiscouata pour pêcher le touladi (aussi appelé truite grise). Les deux tournois de pêche qu’il accueille chaque année rencontre toujours un franc succès. Le tournoi régional a lieu en mai et le provincial en juin. La pêche au touladi constitue un des principaux attraits touristiques de la région. Afin que cette activité puisse perdurer et rester agréable à pratiquer, il est nécessaire de soutenir la reproduction naturelle du touladi par une reproduction artificielle. Qu’est-ce que cela signifie? Qu’est-ce que ça implique? Comment procède-t-on?
Chaque automne, les mâles et les femelles se réunissent à des endroits spécifiques du lac, appelés site de frai, pour se reproduire. Les œufs des femelles sont fécondés par la semence de plusieurs mâles puis ils restent tout l’hiver au fond du lac, sans protection. Afin de ne pas ‘étouffer’ les œufs, les sites de frai doivent être constitués de petits cailloux laissant circuler l’eau et l’oxygène. S’ils sont couverts de sédiments, cette circulation ne se fait plus et les œufs ne survivront pas. Les adultes sont matures sexuellement à partir de l’âge de 6-7 ans, ils mesurent alors environ 60cm de long. Les petits poissons naîtront au printemps et devront se débrouiller seuls pour survivre. En nature, seulement 0.05% des œufs deviendront des alevins (petits poissons).
Dans un contexte entièrement naturel, ce faible taux de reproduction suffit à maintenir des populations et des écosystèmes en santé. Cependant, lorsque les conditions changent, que certaines espèces sont ajoutées, que d’autres sont plus recherchées, il est alors nécessaire de soutenir les populations de poissons recherchées par de la reproduction artificielle. Cela signifie que de jeunes poissons d’1 an (environ 15 cm de long) sont ajoutés dans le lac, on parle alors d’ensemencement. Seul le ministère de la faune, des forêts et des parcs (MFFP) est autorisé à faire cet ensemencement.
Tout d’abord, il est important de ne pas introduire de nouvelles espèces dans un lac car elles pourraient nuire aux espèces déjà présentes et complètement déséquilibrer l’écosystème du lac. Ensuite, l’ensemencement d’un lac se fait selon certains calculs permettant d’établir les taux d’ensemencement à respecter et la fréquence à laquelle les faire pour obtenir des résultats optimaux. Contrairement à la croyance populaire, il ne suffit pas d’ajouter des poissons dans un lac pour que la pêche soit meilleure. Par exemple, trop de poissons ensemencés engendre souvent des individus de plus petites tailles. Dans certains cas, ensemencer trop ou trop souvent ne fait qu’améliorer la situation des autres espèces de poissons qui se nourrissent des alevins ensemencés. Le taux d’ensemencement et sa fréquence sont déterminés en fonction de la taille des plans d’eau. Au Bas-Saint-Laurent, 42 100 alevins sont ensemencés aux 2 ans dans les 9 lacs à touladi de la région.
Début novembre, pendant la période de frai naturelle, environ 80 touladis adultes et matures (plus de 60 cm de long) sont pêchés et séparés selon leur sexe. Cette pêche est effectuée sur plusieurs nuits durant la semaine précédant le prélèvement des œufs et des semences. Elle a lieu la nuit car le touladi est un poisson sensible à la lumière. Il frai donc lorsqu’il fait noir. Les poissons sont alors placés dans des cages métalliques ne laissant pas entrer la lumière fixées à un quai flottant. Les mâles sont séparés des femelles pour éviter que la frai se produise dans la cage.
Deux bacs contenant un anesthésiant sont préparés; un pour les mâles et un pour les femelles, ainsi qu’un bac de rinçage et un bac ‘salle de réveil’. Ces bacs se situent entre les cages qui sont dans le lac et la roulotte dans laquelle les prélèvements auront lieu. Les poissons sont alors transférés par petits groupes dans les bacs d’anesthésie. Une fois anesthésiés, ils sont alors pesés et mesurés un par un.
Les poissons issus d’anciens ensemencements présentent généralement une petite marque sur la nageoire adipeuse (sur le dos). Ce détail est donc relevé afin d’évaluer la proportion de poissons issus de la reproduction artificielle et naturelle. Par un massage de leur ventre, les œufs des femelles et la semence des mâles sont alors prélevés et conservés dans des récipients séparés. Ils sont alors placés dans la ‘salle de réveil’. Dès que l’anesthésiant ne fait plus effet, ils sont alors relâchés dans le lac. Ce protocole suit les consignes de bons soins aux animaux, tous les poissons sont remis à l’eau et jusqu’à présent aucune mortalité n’a été observée.
Les œufs et semences sont alors transportés jusqu’à la pisciculture gouvernementale de Baldwin, à Coaticook proche de Sherbrooke. Ils vont éclore au printemps suivant et seront élevés pendant 1 année complète afin d’atteindre environ 15cm de longueur. En pisciculture, environ 60% des œufs se rendront au stade de petits poissons d’un an. Afin d’obtenir les 42 100 alevins nécessaires pour ensemencer les 9 lacs à touladis du Bas-Saint-Laurent, l’objectif est donc de récolter 69 000 œufs. Dans les faits, 60 000 œufs ont été récoltés en 2018 et 58 000 en 2020.
Les œufs prélevés à l’automne 2020 vont éclore au printemps 2021 puis les alevins seront élevés pendant 1 an avant d’être utilisés au printemps 2022 pour ensemencer les 9 lacs à touladis du Bas-Saint-Laurent. L’ensemencement a lieu aux 2 ans. Avant 2018, c’était la population de touladis du lac Mitis qui était utilisée. Cependant, le lac Témiscouata est plus accessible. Maintenant que les sites de frai du touladi au lac Témiscouata sont davantage connus, il est plus facile d’utiliser sa population de touladi.